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Histoire récente de la truffe en France


D’après Chatin, en 1892, la truffe récoltée en France, sur plus de 40 départements, représentait une production record de 2 000 tonnes. Les conserveurs actuels considèrent que ce chiffre était surévalué et qu’il faudrait plutôt retenir celui de 1 000 tonnes. Les trois quarts de cette production provenaient de 5 départements : 1) le Vaucluse avec 470 tonnes, 2) les Basses-Alpes (Alpes de Haute-Provence), 380 tonnes, 3) le Lot, 360 tonnes, 4) la Drôme, 180 tonnes, 5) la Dordogne, 160 tonnes. A notre époque, la production française approche en très bonne année la centaine de tonnes pour Tuber melanosporum et en mauvaise année la dizaine avec une moyenne que l’on peut situer autour de 30 à 50 tonnes.

   L’histoire de l’abondance de la truffe commence avant l’épidémie du phylloxéra. Adolphe Chatin situe la production française à 1588 tonnes de truffes dans sa première édition de son ouvrage « La Truffe » (1869). Plusieurs causes expliquent cette formidable production. Après la révolution française, la loi du 4 septembre 1791 autorise les paysans et divers propriétaires particuliers à disposer librement de la forêt. La déforestation prend alors une ampleur considérable accentuée par les guerres de l’Empire qui exigent beaucoup de bois, notamment pour la construction de navires. Grâce à la culture de la pomme de terre (début 1785), les famines et les disettes n’affectant plus les populations au début du XIXe siècle, le surpeuplement des campagnes est observé. La combinaison d’un déboisement autorisé par les nouvelles libertés et la nécessité de nourrir une population paysanne devenue très abondante contribuent au défrichage de nombreuses régions de France. En milieu ouvert, la truffe Tuber melanosporum trouve des conditions idéales à sa propagation.

L’invasion phylloxérique, qui a détruit le vignoble français et européen vers les années 1880, n’a fait que surajouter de nouvelles conditions favorables à la truffe. A cette époque, la culture de la vigne était particulièrement développée sur les coteaux et plateaux calcaires. De nombreux départements portent dans leurs paysages les traces de cette viticulture avec leurs murets de pierres sèches qui grimpent le long de collines et se déploient en un réseau serré sur le plateau. La commune de Sorges en Périgord était couverte de centaines d’hectares de vignes. De nombreux vignerons ruinés, qui avaient souvent observé la formation de truffières naturelles dans leurs vignes en relation avec la présence de chênes de bordure, replantèrent leurs parcelles viticoles ravagées en chênes pubescents. Cette reconversion fut couronnée de succès et fit la fortune de nombreuses propriétés des causses du Lot et du Périgord.

 Le déclin allait commencer avec la première guerre mondiale comme l’entretien des truffières fut délaissé durant 5 années au profit des cultures vivrières. L’exode rural ajouté à la saignée que la guerre avait opéré dans la population paysanne a créé des conditions démographiques propices à une baisse du renouvellement des plantations truffières. Des attaques de chenilles défoliatrices, notamment pendant la première guerre mondiale et dans les années 1930-31 ont également contribué à l’affaiblissement du potentiel truffier. Après la deuxième guerre mondiale, les changements radicaux sur la fonction de l’agriculture, qui de vivrière devint productiviste ou industrielle, ont encore accentué le phénomène de déclin de la production. Les modes de production ont changé et avec eux les comportements sociaux, économiques et techniques. On a perdu l’habitude de planter des arbres truffiers, notamment parce que la production ne pouvait être garantie annuellement à cause des sécheresses imprévisibles. Le remboursement des annuités des prêts bancaires n’était pas tellement compatible avec les rentrées financières irrégulières de la truffe.

 La mécanisation des travaux de l’agriculture a perturbé les systèmes racinaires par un travail du sol trop profond. La régression du pastoralisme dans les pelouses calcicoles, les landes à genévriers et les garrigues provençales a eu pour conséquence l’embroussaillement des espaces naturellement truffiers. Les sous-bois ont été envahis par la broussaille par suite de l’abandon de pratiques traditionnelles telles que le ramassage de la litière à base de feuilles ou la fabrication des fagots pour chauffer le four à pain. L’émondage des chênes pour nourrir le troupeau de brebis à la fin de l’été est tombé en désuétude. Le paysage a progressivement changé en créant des conditions de milieu défavorables à la formation des truffières naturelles. Ces évolutions ont modifié le statut de champignon dominant que la truffe noire avait connu au début du XXe siècle sur les espaces calcaires ouverts. D’autres causes ont probablement joué dans cette conjonction d’événements.

 C’est seulement à partir des années 1970 que la relance de la trufficulture a vu le jour sous l’impulsion de pionniers tels que Sylvain Floirat, Jean Rebière, Louis Fioc, Louis Signoret, René Gleyze, Jacques Manreza, Jean-Baptiste Champagnac et bien d’autres. Jean Grente, Jacques Delmas, Nicole Poitou, Gérard Chevalier, Jean-Marc Olivier, Gabriel Callot, Charles Montant, François Le Tacon ont participé à cette relance avec leurs travaux scientifiques. Au cours des bientôt cinquante dernières années, le plant mycorhizé a gagné du terrain et stoppé le déclin. 

C’est seulement à partir des années 1970 que la relance de la trufficulture a vu le jour sous l’impulsion de pionniers tels que Sylvain Floirat, Jean Rebière, Louis Fioc, Louis Signoret, René Gleyze, Jacques Manreza, Jean-Baptiste Champagnac et bien d’autres. Jean Grente, Jacques Delmas, Nicole Poitou, Gérard Chevalier, Jean-Marc Olivier, Gabriel Callot, Charles Montant, François Le Tacon ont participé à cette relance avec leurs travaux scientifiques. Au cours des bientôt cinquante dernières années, le plant mycorhizé a gagné du terrain et stoppé le déclin.